Dans cette série de tableaux à l’acrylique sur toile de moyens à grands formats débutée en 2017, j’aborde chaque œuvre de trois manières ou approches physiologiques que je veux complémentaires. La superposition additive des trois états d’esprit issus de ce choix me permet d’explorer différentes formes d’intelligence imaginaire tout en cherchant à les harmoniser dans des œuvres cohérentes et expressives.
La série provient d’un projet de tableau autour du thème « La jeune fille et la mort » qui, lui-même, découle du mythe grec de Perséphone.
Dans cette recherche picturale sont apparues des ombres qui m’ont frappé par leur puissance d’évocation. Ces ombres, par leur noirceur, évoquent aussi le vide et le silence : choses que nous rencontrons trop peu souvent et qui sont source de toutes créations. Puis, à répéter ce motif et à tenter d’en faire surgir plus de sens, il m’a semblé qu’un élément plus subtil enrichirait la lecture des tableaux : d’autant plus que cette triple approche fait profondément sens pour moi.
La première étape consiste à placer le tableau sur le sol et à travailler sa surface sans planification tout comme les artistes de l’action painting, de l’automatisme ou encore de l’abstraction lyrique. Cette première étape générant une surface colorée suggérant un espace lumineux, je viens ensuite y inscrire une silhouette noire généralement de forme humaine telle une ombre offrant au spectateur la possibilité d’une double lecture. L‘étape ultime consiste à tracer et à peindre sur le plan coloré un graphe abstrait se développant souvent telle une fractale.
Pourquoi une telle démarche? D’où provient-elle? Quel en est le sens aujourd’hui?
Au 19e siècle, tout en libérant la peinture du réalisme représentatif, la photographie a aussi plongé cet art dans un questionnement sur sa fonction. La maîtrise de la couleur en photographie étant à ses balbutiements, les peintres se sont précipités dans cet exploration en utilisant la nature comme modèle. La perte d’attrait du motif paysagé et l’évolution technique de la pellicule photographique poussèrent les peintres vers de nouvelles recherches pouvant leur être spécifiques. Un nombre sans cesse croissant d’avenues furent explorées par les artistes au cours du 20e siècle. Cela donna lieu à une nouvelle conception de l’art pictural qui le définit comme un champ d’exploration devant sans cesse s’ouvrir sur l’inattendu. Se libérer des contraintes de tous ordres fut le mot d’ordre de certains peintres, tandis que d’autres se créaient un nouveau cadre de contraintes se voulant spécifiques à leur domaine de recherche. Même la pensée créatrice la plus libre et la plus sauvage fut, éventuellement, contrainte à définir son champ et à s’y restreindre. Comme, aujourd’hui, l’utilisation de pigments colorés et de la toile apprêtée apparaît comme une limitation et qu’un nombre croissant d’outils alternatifs liés aux développements technologiques sont accessibles à qui veut créer des images : le terme d’artiste peintre s’est modifié en artiste visuel. Cette évolution intègre même l’agent provocateur qu’a été la photographie dans la palette instrumentale du créateur pictural.
Dans cette quête de liberté créatrice et cette recherche de sens du 20e siècle, l’action painting et ses dérivés représentent la quête d’une voie libérée du mental qui tente de faire appel à l’intelligence du corps en court-circuitant les jugements qui sont le fruit du conditionnement intellectuel. Même si l’on ne peut nier que des choix d’ordre esthétique, donc mentaux, affectent le processus : celui-ci permet de connecter davantage l’attention du créateur sur la chorégraphie générée par son propre corps et donc de relâcher le contrôle mental dans le processus de création. Cela a pour effet de provoquer l’inattendu et d’ouvrir de nouvelles portes à l’imaginaire. Pour le moins, cela situe la proposition picturale dans le monde du mystère, du rêve et des symboles à décoder.
L’introduction de figures d’ombre dans ces univers oniriques en accentue le mystère tout en créant des référents spatiaux pour le spectateur. On ne sait plus si l’on partage une expérience avec ces figures ou si l’on est confronté par elles. Elles participent de l’expérience tout en semblant lui faire obstacle. En fait, elles en sont la source et la finalité. Ces figures noires aspirent notre regard tout en évoquant le vide infini qui nous habite et d’où tout surgit. De plus, comme je considère chaque œuvre d’art comme un miroir de l’état d’esprit de son créateur au moment de la réalisation de celle-ci : je tiens à rappeler au spectateur qu’un être humain se confie à lui à travers l’objet observé. L’Art est et a toujours été un révélateur de la psyché humaine et de son évolution.
Vient ensuite l’apposition de graphes sur l’ensemble qui, métaphoriquement, veulent exprimer la logique interne de ces constructions dramatiques. Telles une équation mathématique ou une formule algébrique, ces graphes voudraient rendre lisibles, sinon compréhensibles, le mystère et la beauté de l’interrelation des éléments particuliers du tableau autant que leurs liens avec les différents niveaux de complexité de notre psyché collective. Ces graphes sont réalisés au pinceau à la manière et dans l’esprit d’un moine enlumineur du Moyen-âge assis au scriptorium et plongé dans une méditation lui donnant l’impression de participer au Mystère divin.
Trois couches de sens sont exprimées de manières différentes pour témoigner de la complexité de l’âme humaine. Trois niveaux de signification cherchant à révéler mon sentiment de révérence face au mystère qu’est la Vie. Trois strates émotionnelles se mariant pour tracer un portrait forcément parcellaire de notre place dans l’univers.
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In this series of acrylic paintings on canvas of medium formats begun in 2017, I approach each canvas in three different ways or physiological attitudes that I want complementary. The additive superposition of the three states of mind resulting from this choice allows me to explore different forms of creative intelligence while seeking to harmonize them in a coherent and expressive works.
The series comes from a painting project around the theme "The girl and the death" which stems from the Greek myth of Persephone.
In this pictorial search appeared shadows that struck me by their power of evocation. These shadows, by their blackness, evoke also the void and the silence: things that we do not meet often enough and that are source of all creations. Then, repeating this motif and trying to make it more meaningful, it seemed to me that a subtler element would enrich the reading of the pictures: especially since this triple approach makes profound sense for me.
The first step is to place the painting on the ground and to work on its surface without planning, just like the artists of action painting. This first step generating a colored surface suggesting a luminous space where I inscribe a black form generally of human shape. It looks like a shadow who is offering the viewer the possibility of a double reading. The third step consists of drawing and painting on the colored plane an abstract graph often developing like a fractal.
Why such an approach? Where does it come from?
In the 19th century, while freeing the painting from representative realism, photography also plunged this art into a questioning on its function. The mastery of color in photography being in its infancy, the painters rushed into this exploration using nature as a model. The loss of attractiveness of the landscape motif and the technical evolution of the photographic film led the painters towards new research that could be specific to their practice. An increasing number of avenues were explored by artists during the 20th century. This gave rise to a new conception of pictorial art, which defined it as a field of exploration that is constantly opening up to the unexpected. Breaking free from constraints of all kinds was the watchword of some painters, while others created a new framework of constraints that they wanted to be specific to their field of research. Even the freest and wildest creative thoughts were eventually forced to define their field and to restrict themselves to it. As today, the use of colored pigments and primed canvas appears to be a limitation, and a growing number of alternative tools related to technological developments are available to anyone who wants to create images: the term painter has changed to visual artist. This evolution integrates even the provocative agent that was the photography in the instrumental palette of the pictorial creator.
In this quest for creative freedom and search for meaning of the 20th century, action painting represents the quest for a path freed from the mind control that tries to appeal to the intelligence of the body by short-circuiting the judgments that are the fruit of intellectual conditioning. Even if one cannot deny that aesthetic, and therefore intellectual choices affect the process: it allows the creator to focus more on the choreography generated by his own body and thus to relax the mental control in the process of creation. This has the effect of arising the unexpected and opening new doors to the imagination. At the very least, it puts the pictorial proposition in the world of mystery, dreamscape and symbolism.
The introduction of shadow figures in these dream worlds accentuates the mystery while creating spatial references for the viewer. We no longer know if we share an experience with these figures or if we are confronted by them. They participate in the experience while seeming to hinder it. On the other hand, the introduction of human representations is due to the fact that, in this way, the painting cannot be reduced to a decorative object having little meaning. As I see each work of art as a mirror of the state of mind of its creator at the moment of its realization: I want to remind the spectator that a human being confides to him through the work of art he observed. Art is and has always been a revealer of the human psyche and its evolution.
Next comes the apposition of painted graphs which, metaphorically, want to express the internal logic of these staging. Such as a mathematical equation or an algebraic formula, these graphs want to make readable, if not understandable, the mystery and beauty of the interrelation of the elements of the painting as well as their links with the different levels of complexity of our collective psyche. These graphs are made in the way and in the spirit of a medieval monk sitting at the scriptorium illuminating a sacred text and immersed in a meditation giving him the impression of participating in the Divine Mystery.
Three layers of meaning are expressed in different ways to testify to the complexity of the human soul. Three levels of expression trying to reveal my feeling about the mystery of human life. Three emotional strata marrying to draw a fragmentary portrait of our place in the universe.
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